Banlieue, la ceinture rouge parisienne

ciné-archives
        • A la libération : la banlieue nationale

            • Un film national pour les municipales. Extrait de "A la conquête du bonheur" (Marc Maurette, 1947)
            • Les films produits par le PCF dans l’immédiat après-guerre rendent tous hommage aux résistants « héros et martyrs » communistes. Les municipalités ne font pas exception en glorifiant le nom des leurs qu’elles inscrivent au panthéon de la Résistance nationale.
              Le PCF et la banlieue rouge jouissent alors d’une respectabilité nouvelle, renforcée par l’entrée au gouvernement de dirigeants du Parti dont beaucoup sont élus de la ceinture parisienne : tandis que les actualités cinématographiques montrent au premier plan des figures familières à la banlieue rouge, le ton des actualités communales prend parfois de nettes inflexions gouvernementales !
              Depuis le scrutin de 1935, le PCF a changé d’optique sur les municipalités. Il les reconnait désormais dans le paysage politique communiste, « à la fois (comme) vitrine de l’exemplarité gestionnaire au service du peuple laborieux et (comme) relais de la parole du parti » (1). Ce dont témoignent les films réalisés pour les municipales de 1947 et, en particulier, le film « A la Conquête du bonheur » (2) .
              A contrario de cette image positive, le court métrage « Aubervilliers », réalisé en 1945 par Eli Lotar et Jacques Prévert pour la ville d’Aubervilliers est jugé misérabiliste et désavoué dans les rangs communistes.

        • La Guerre Froide

            • A l’automne 1947, le PCF revient à une rhétorique classiste et internationaliste qui en fait l’ennemi de l’Etat bourgeois et le soutien sans faille du bloc soviétique. Tandis que ses adversaires réactivent l’image du parti de l’étranger, le PCF arbore la posture du résistant patriote (doublé du martyr) face à l’Etat et à « l’occupation américaine » (pas moins de trois films d’obsèques de militants tués).
              Certains rushes communistes portent singulièrement la trace de la vindicte du PCF, comme ceux conservés sur la Manifestation du 28 mai 1952 contre le général américain Matthew Ridgway, accusé par le PCF d’avoir utilisé des armes bactériologiques en Corée. La Fédération de la Seine organise une manifestation contre sa venue à Paris et espère « tenir la rue » en dépit de l’interdiction de la Préfecture : « Dans les locaux du CE de Renault Billancourt et les ateliers municipaux de la banlieue rouge, on fabrique en conséquence de « gros manches et des petites pancartes » (3). La répression policière est violente et cet événement, demeuré emblématique de la guerre froide en France, réactive l’image du « peuple de Paris » et de la ceinture rouge menaçant la capitale.

            • CineA 1955 264 RealitesClam 10 11.png
            • Slogan de Guerre Froide à Clamart. Photogramme de "Réalités clamartoises" (réalisation anonyme, 1955)
        • La vie dans les bastions

            • Les acquis municipaux à l’appui du discours syndical en guerre froide. Extrait de "Horizons" (Réalisation collective, 1953)
            • Parallèlement au ton violent réservé à leurs ennemis, les films communistes donnent de la banlieue rouge l’image d’un camp uni et serein face à l’adversité. Dans les saynètes de films qu’il tourne pour L’Humanité ou le Mouvement de la paix, Henri Aisner y représente l’adhésion militante ou sympathisante au PCF comme le produit du voisinage, d’une fraternité entretenue par l’entre soi ouvrier et populaire (4).
              Durant cette période, les mairies rouges sont moins mises en valeur dans leurs prérogatives municipales. Elles sont davantage montrées dans leur rôle de soutien aux luttes ouvrières et aux mobilisations à portée internationale. Cependant, comme le souligne Jacques Girault, elles apparaissent toujours « comme des modèles pour le peuple communiste. Elles peuvent jouer dans l’imaginaire, le même rôle que l’URSS et ce sentiment est durable » (5). Ainsi, quand les mots d’ordre politiques de guerre froide sont difficiles à rendre populaires dans les usines, le modèle municipal peut être mobilisé pour rappeler les acquis engrangés depuis les années trente et garder le sens (concret) du combat syndical et politique.



               

              (1) Catherine Dupuy, Un communisme municipal de banlieue : Gennevilliers, bastion rouge (années 1930-années 1960) p. 408 in Jacques GIRAULT dir., Des communistes en France (années 1920 - années 1960), Paris, Publications de la Sorbonne, 2002.

              (2) A ce sujet, on peut lire en particulier la contribution de Tangui Perron, Voilà les cités laborieuses à la porte du bonheur - Le Parti communiste français et les films municipaux d’octobre 1947 in op.cit. Jacques GIRAULT dir., pp. 37-45.

              (3) Michel PIGENET, « Bataille de rue à Paris contre le général américain Ridgway », L’Humanité, 25 mai 2012

              (4) A ce sujet, nous vous renvoyons vers les films de Henri Aisner : "La Terre fleurira" (1954) et "Le Choix le plus simple" (1951)

              (5) Jacques Girault, Les interventions socioculturelles dans les municipalités communistes de la banlieue parisienne in op.cit. Jacques GIRAULT dir., pp. 369-370.

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